Selon le chef de la mission de surveillance des droits de l'homme de l'ONU en Ukraine, des mauvais traitements allant jusqu'à la torture ont été infligés par les forces ukrainiennes à des prisonniers russes, confirmant d'autres témoignages.
A l’occasion d’une conférence de presse consacrée à la situation critique des civils dans le conflit ukrainien le 10 mai, Matilda Bogner, qui dirige la mission de surveillance des droits de l’homme des Nations unies sur le terrain, a confirmé que des mauvais traitements ont été infligés aux prisonniers russes par les troupes ukrainiennes, rapporte le journal américain The Hill.
«Nous avons reçu des informations crédibles faisant état de torture, de mauvais traitements et de détention au secret, par les forces armées ukrainiennes, de prisonniers de guerre appartenant aux forces armées russes et aux groupes armés affiliés», a-t-elle déclaré. Parmi les traitements inhumains mis en cause, les soldats capturés ont pu être «contraints de faire […] des excuses et des aveux, et [soumis à] d’autres formes d’humiliation», a-t-elle précisé.
Matilda Bogner a dénoncé une violation des règles fondamentales du droit humanitaire international, appelant l’Ukraine comme la Russie – accusée le 22 avril par l’ONU d’actions «pouvant relever de crimes de guerre» – à enquêter rapidement et efficacement sur toutes les allégations de torture et de mauvais traitements infligés aux prisonniers de guerre. Elle a aussi appelé les deux parties à «contrôler […] efficacement leurs forces pour empêcher toute nouvelle violation», la protection des prisonniers étant encadrée par la Convention de Genève.
Les déclarations de la représentante des Nations unies viennent étayer plusieurs témoignages concernant ces mauvais traitements de la part des forces armées ukrainiennes, qui sont parfois allés jusqu’à des exécutions sommaires, comme l’avait relaté le New York Times dans une enquête parue début avril.
Des crimes de guerre ont été commis par le bataillon Azov, selon un ancien militaire français
Adrien Bocquet, ancien fusilier de l’armée française, a livré le récit sur Sud Radio, le 10 mai, de trois semaines passées en Ukraine dans le cadre d’une action humanitaire médicale, durant lesquelles il a pu observer des exactions. «Les seuls crimes de guerre que j’ai vus […] ont été perpétrés par des militaires ukrainiens», a-t-il raconté, précisant qu’il n’écartait en aucun cas des comportements similaires de la part des forces russes. «Il y en aussi côté ukrainien et on n’en parle pas», a-t-il souligné, s’insurgeant contre les propos tenus dans les médias par toutes les personnes qui ne se sont pas rendues elles-mêmes sur le terrain.
Revenant plus particulièrement sur le bataillon Azov, Adrien Bocquet s’est dit «choqué» par les livraisons d’armes de l’Occident à des combattants ouvertement néonazis, dont il rapporté certaines conversations. «Ils rigolaient de se dire que s’ils croisaient des Juifs et des Noirs, ils les dépèceraient», a-t-il relaté, avant de faire état de tirs sur des prisonniers russes sans défense, ainsi que d’officiers qui auraient été exécutés d’une balle dans la tête. «J’ai vu des choses abominables», a-t-il insisté, concluant : «Si vous regardez les médias et si vous allez en Ukraine, ce n’est pas une gifle que vous prenez, mais trois coups de poing.»
Depuis des semaines, des images d’exactions dont s’accusent les deux camps circulent sur les réseaux sociaux. Moscou avait ouvert, fin mars, une enquête sur de possibles actes de tortures par les forces ukrainiennes sur des prisonniers russes, après la diffusion de vidéos sur lesquelles on pouvait voir des prisonniers se faire tirer dans les jambes sans raison. L’ONG Human Rights Watch (HRW) avait pour sa part appelé les autorités ukrainiennes à enquêter sur ces potentiels «crimes de guerre» envers des prisonniers russes. Les Nations unies s’étaient inquiétées, à la même période, de mauvais traitements infligés aux prisonniers de guerre des deux camps.
Le 10 mai, la Russie a annoncé qu’elle ne participerait pas à la session extraordinaire du Conseil des droits de l’homme de l’ONU prévue le 12 mai pour aborder «la détérioration de la situation des droits humains en Ukraine», évoquant de «fausses informations autour des évènements à Boutcha et à Marioupol», localités dans lesquelles la Russie est accusée de la mort de centaines de civils. Selon Maria Zakharova, porte-parole de la diplomatie russe, l’absence de son pays à cette session est notamment justifiée par le fait que «les crimes commis par des militaires et nationalistes ukrainiens contre leur propre population civile ne sont pas pris en compte».
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