La juridiction administrative a suspendu le décret de dissolution du collectif «Palestine vaincra» et du «Comité Action Palestine», écartant l'accusation d'antisémitisme et jugeant que la mesure portait une atteinte disproportionnée aux libertés.
Par une ordonnance rendue le 29 avril, le Conseil d’Etat a suspendu l’exécution du décret de dissolution du «Comité Action Palestine» et du collectif «Palestine vaincra» prononcée en mars par le ministère de l’Intérieur, qui accusait ces associations d’«appel à la haine, à la discrimination, à la violence» et de «provocation à des actes terroristes».
S’agissant du Comité Action Palestine, la mesure de dissolution «porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’association et à la liberté d’expression», écrit dans sa décision le Conseil d’Etat, qui avait été saisi en référé. Le Comité s’était notamment vu reprocher par les autorités de «relayer les communiqués» et de «rendre compte de l’activité d’organisations terroristes palestiniennes, notamment le Hamas, le Mouvement du Jihad islamique en Palestine et le Hezbollah».
Une victoire précieuse pour l’Etat de droit, selon l’avocat
Or, «les prises de positions énoncées par les publications de l’association […] ne peuvent […] être regardées comme provoquant à la discrimination, à la haine ou à la violence envers un groupe de personnes», selon le Conseil d’Etat. Elles ne peuvent pas non plus être «qualifiées d’agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme», à ce stade de l’instruction, selon les magistrats. «Il s’agit d’une victoire précieuse pour l’Etat de droit, qui sanctionne l’instrumentalisation politique du conflit israélo-palestinien du ministère de l’Intérieur», a réagi auprès de l’AFP Vincent Brengarth, l’avocat du Comité Action Palestine.
Par ailleurs, la juridiction administrative estime que le Collectif Palestine Vaincra «ne provoque ni ne contribue à la discrimination, à la haine ou à la violence, que ses prises de position vis-à-vis d’Israël et du sionisme ne présentent pas un caractère antisémite, qu’il a toujours condamné l’antisémitisme». Le ministère lui reprochait également d’appeler «à la discrimination et à la haine envers Israël et les Israéliens», notamment à travers des campagnes de boycott des produits en provenance de l’Etat hébreu. Or, selon la décision, l’appel au boycott «traduit l’expression d’une opinion contestataire et ne saurait par lui-même […] être regardé comme une provocation ou une contribution à la discrimination, à la haine ou à la violence envers un groupe de personnes», soulignent les magistrats.
Le collectif Palestine vaincra a salué la décision qui représente selon elle un «véritable camouflet» pour le gouvernement et «bat en brèche la propagande de l’extrême droite sioniste et ses amalgames entre antisionisme et antisémitisme». La décision du Conseil d’Etat «réaffirme la légitimité du soutien au peuple palestinien», se félicite le collectif, qui espère obtenir une annulation du décret lors d’un futur jugement.
Gérald Darmanin avait annoncé le 24 février le lancement de la procédure de dissolution contre ces deux associations pro-palestiniennes. Le ministère de l’Intérieur avait alors expliqué, à propos du Comité Action Palestine, que, «sous couvert de défendre la cause palestinienne», ce collectif «[cultivait] le sentiment d’oppression des «peuples musulmans» […] dans l’objectif de diffuser l’idée d’une islamophobie à l’échelle internationale».
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